FASHION TALK: Robbie Barrat

Backstage at Acne Studios Men’s Fall 2020

Une machine peut-elle être créative? Peut-elle créer de toutes pièces quelque chose de nouveau? Ce questionnement est à l’origine de l’art de Robbie Barrat. Pour lui la réponse est non, et lorsqu’il l’a réalisé son interrogation a pris un autre cap: comment les artistes peuvent-ils utiliser l’intelligence artificielle et les systèmes génératifs dans leurs processus artistiques, en tant qu’outils? 

« Je m’inspire des procédés des peintres traditionnels (…) pour créer des images de peintures qui n’existent pas »

En grandissant, Robbie s’intéresse aux IA des jeux vidéos et des robots. Cet attirance poussée pour l’algorithmie et l’informatique en général le conduira à développer ses outils: des réseaux de neurones artificiels, et des algorithmes créateurs. Il s’inspire des procédés des peintres traditionnels et utilise des scans de tableaux pour créer des « images de peintures qui n’existent pas ». 

En 2018, il vient pour la première fois en France à l’occasion d’une rencontre avec le peintre Ronan Barrot, initiée par L’Avant Galerie Vossen. Celle-ci aboutira quelques mois plus tard à une collaboration entre les 2 artistes: l’exposition ”BARRAT/BARROT Infinite Skulls”. Cette coopération, davantage engagée comme une confrontation, a créé chez lui une certaine pression positive: il s’agit de la première expérience de création ”traditionnelle” de Robbie dont il garde finalement un excellent souvenir.

BARRAT/BARROT Infinite Skulls

Ainsi de nouvelles opportunités émergent. À la suite de cette exposition, Robbie entame un travail de six mois en collaboration avec la marque de luxe suédoise Acne Studios qui souhaite s’appuyer sur son outil de génération pour réaliser sa collection Homme Automne/Hiver 2020. L’artiste confie avoir beaucoup apprécié ce projet mais reconnaît avoir dû faire face à certaines idées préconçues sur son travail: ”les gens pensent que je ne suis qu’un technicien alimentant un système automatique, et pas vraiment un artiste moi-même”. 

Robbie admet être habitué à ce genre de préjugés, et si les designers comprennent et se familiarisent rapidement avec son processus, il précise que la ”génération” n’a en réalité rien d’automatique: le travail de configuration en amont est selon lui comparable à celui d’un photographe ajustant ”l’emplacement de l’appareil photo, la mise au point, l’exposition, ce (qu’il) photographie”.

« L’IA n’est qu’un processus, et je ne peux pas me contenter de créer une image plate pour dire tout ce que je veux »

Pour ses travaux avec Acne Studios, Robbie a donc recueilli des centaines d’images d’archives de looks de la marque pour générer des rendus dont les designers se sont inspirés pour réaliser la collection. Celle-ci est entièrement ”wearable” -le directeur créatif d’Acne aime ”les vêtements que l’on peut porter”- mais le créateur aurait aimé voir davantage de pièces abstraites sur le podium de la Fashion Week. Certains de ses croquis comprenaient des éléments avec ”des caractéristiques de vêtements (manches, boutons, cols…) mais la forme générale n’avait pas de sens et ne pouvait pas s’adapter à un corps humain”. 

Robbie évoque par exemple une écharpe dont les extrémités possèdent des manchettes et qu’il aurait particulièrement aimé voir défiler, l’idée étant ”d’avoir ces vêtements accrochés sur un support, peut-être aussi avec un moniteur affichant le croquis, et le faire rouler sur la scène”.

Cette collaboration prestigieuse a élargi son audience, mais si Robbie ne ”pense pas avoir encore percé” il rêve tout de même d’une collaboration avec une artiste en particulier, l’hongroise Vera Molnar: ”Elle a été l’une des artistes génératrices fondamentales et a joué un rôle important sinon principal dans la création de l’art génératif en tant que tel”. L’artiste a déjà ”des idées approximatives sur la façon de faire quelque chose avec son travail et sa sculpture” mais estime devoir ” travailler sur (lui)-même et sur (s)on travail pendant quelques mois avant d’être prêt à lui suggérer une idée”.

Ce travail, il l’a entamé à l’été 2020 après avoir échoué à intégrer une école d’art. Dans son atelier à Paris,  Robbie expérimente désormais la sculpture vidéo grâce ”des installations comprenant des téléviseurs, des caméras et des ordinateurs fonctionnant avec des systèmes génératifs”. Cette nouvelle forme de création séduit l’artiste qui y voit de plus vastes opportunités d’expression, lassé de faire des images plates, ”l’IA est un processus et je ne peux pas me contenter de créer une image plate pour dire tout ce que je veux.”

Dans un avenir proche, Robbie projette donc de travailler davantage la sculpture à seulement 22 ans, poursuivant un parcours déjà impressionant.

Laisser un commentaire