
Rencontre avec ARÜ

Le 7 septembre 2019, Cassandre et Mahid concrétisent 6 ans de travail et de voyages en inaugurant Arü. Les deux créateurs qui se sont rencontrés au Maroc ont découvert des passions communes pour la joaillerie artisanale nomade, les objets ethniques traditionnels et l’artisanat textile; chacun collectionnait des bijoux touaregs de manière individuelle, et de par leur envie d’indépendance, il leur était évident de tout mettre en oeuvre pour travailler un jour à leur compte.
Depuis 2013, ils optimisaient chacun de leurs séjours au Maroc pour bâtir ce projet en allant à la rencontre de coopératives d’artisans locales avec l’envie partagée de rendre accessibles des pièces d’exception aux collectionneurs en France. Ce genre de projets liés à l’artisanat ethnique qui fleurit à Paris est assez nouveau à Nantes, le choix de la ville a été réfléchi puisque le couple apprécie l’idée d’une boutique unique qui n’est pas noyée dans une trop grande proposition. Cosmopolite et créative, Nantes a eu leur faveur pour le plaisir de la communauté de collectionneurs de bijoux berbères.

La présence de touristes notamment allemands, danois ou suédois qui viennent en temps normal les week-ends grâce aux lignes aériennes directes à également joué dans le choix du secteur Cathédrale. Avant d’être stratégiques, ces décisions sont des « choix du coeur » pour Cassandre qui ne savait pas à quel accueil s’attendre. Le bouche à oreille qui a grandement contribué à faire connaître la boutique témoigne finalement d’un très bon accueil de la part des nantais.
10 minutes avant l’ouverture de la boutique le premier jour, Cassandre crée le compte Instagram @aru.collections sur lequel elle communiquera assez peu la première année, préférant faire ses preuves en boutique et profiter du contact avec les clients à qui elle n’hésite pas à demander des conseils sur l’utilisation des réseaux sociaux. Ce bouche à oreille est ce qu’il y a de plus précieux aux yeux des deux créateurs car c’est un soutien tangible, ils souhaitent préserver l’accueil en boutique comme l’ancrage du projet un peu à la manière des berbères qui accueillent l’invité chez eux.
«Les choix du coeur sont des choix justes quand ils peuvent aboutir »
Arü travaille avec des coopératives marocaines, le réseau tissé au compte-goutte est le fruit de rencontres souvent opportunes, de road-trips hors des sentiers battus et de visites d’ateliers, d’échoppes appartenant à des familles de bijoutiers ou d’antiquaires (dans le désert à l’extrême sud-est du Maroc notamment).
L’organisation de ces coopératives est appréciée par le couple; l’absence de hiérarchie en leur sein permet aux tisseuses d’être rémunérées correctement sans que des intermédiaires ne prennent une commission et ne « se rémunèrent d’un travail qui n’est pas le leur », c’est aussi pour cette raison qu’Arü ne passe pas par des grossistes ou marchands et privilégie le circuit court.
En tant que berbère, Mahid tient à faire connaître cet artisanat mais aussi permettre à des femmes marocaines d’être plus indépendantes. Ces femmes gèrent le foyer, et cette activité leur permet de se retrouver et de pouvoir participer aux achats et à l’autonomie de leur famille, pour aider les enfants à financer des études par exemple. C’est un modèle d’indépendance qu’Arü veut encourager.

Ces tisseuses créent des tapis aux motifs ethniques qui paraissent d’abord abstraits, mais qui sont en réalité chargés de sens. Ces pièces uniques racontent des histoires personnelles, certains tapis appelés « Boucharouite » (bout de chiffon en arabe) sont confectionnés à partir de tissus de vêtements que les enfants ne portent plus lorsque les familles n’ont pas les moyens d’acheter de la laine.
Suspendus aux murs, ils sont un moyen d’isoler et de protéger la maison du froid hivernal. Certaines pièces datant des années 1910 contiennent des matériaux qui ne sont plus produits aujourd’hui et font du tapis Boucharouite un « témoin de l’histoire textile du Maroc », raison pour laquelle il est le seul tapis qui se collectionne à la façon d’une oeuvre d’art.
D’autres racontent des événements comme une naissance, un mariage, une fin d’études ou une prise de décision importante. Les moindres détails jusqu’aux embouts ont un sens; des embouts torsadés si la tisseuse est célibataire, des embouts tressés lorsqu’elle est mariée. Les pièces n’étant pas explicitement marquées, la créatrice ajoute des détails subtils pour signer son oeuvre.

Ce langage inspiré des tatouages berbères aux formes géométriques ne s’apprend qu’au contact des artisans, l’oiseau symbolisant la liberté et le losange comme protection contre le mauvais oeil sont par exemple assez répandus. Toute cette symbolique peut rappeler celle de la culture arabe davantage présente au Moyen-Orient, mais l’esthétique berbère est plus archaïque; l’alphabet composé de pictogrammes plutôt sommaires en est l’illustration.
Du fait de cette double-lecture, Arü invite ses clients à regarder les tapis comme « des pièces d’exception racontant une histoire unique » pouvant très bien prendre place au mur tels des tableaux. Beaucoup d’étapes ont été marquantes dans la création d’Arü, comme le premier tapis acquis par le couple: une pièce des années 50 achetée à un vendeur ambulant dans un souk près de Sidi Ifni, d’où Mahid est originaire.
« Ces oeuvres offrent de la chaleur et de la convivialité dans notre intérieur, c’est ce que nous voulons apporter à nos clients »
Il s’agit du tapis accroché à l’entrée de la boutique, cette acquisition sera un déclic: à chaque voyage, Cassandre et Mahid rapportent des quantités d’objets de plus en plus importantes pour leurs amis. Bientôt, ils espèrent un premier voyage avec leur fille au Maroc. Cet événement marquerait une nouvelle étape dans leur projet: «le début d’une aventure familiale».
Laisser un commentaire